Bonjour,
Y pour YACINE Kateb
Son prénom est devenu son nom de plume, mais impossible de ne pas citer ce grand nom de la poésie ("Quand je me suis mis à apprendre le français j'ai été pris d'une espèce de passion de la langue et de la poésie, très jeune à partir de 8 ou 9 ans.") et de toute la littérature algérienne.
En ce mois de mai, il me paraît nécessaire de citer un extrait des Soliloques : « Ces poèmes ont été écrits lorsque j’avais quinze ans, avant et après la révolution du 8 mai 1945. J’étais interne au collège de Sétif. » (ext. de la préface à la réédition –posthume- de 1991, éd. Bouchène, Alger). Si cette date est symbole de la victoire sur le nazisme, elle est aussi celle de la répression des manifestations de Sétif, auxquelles le collégien participe, un des signes avant-coureurs de ce qui deviendra la guerre d’Algérie.
Les pauvretés de ton âme sordide,
Tu les verras, ma chère,
Se changer en prodigalités,
Si tu me réponds.
Ce sera un soir de Mai,
Et les oiseaux s'ennuieront
De leurs ailes...
À tes pieds,
Mon amour couché
Te chantera en arabe
La soif des cœurs nouveaux.
Les étoiles auront pour toi
Des regards chargés
De nostalgie électrique.
La lune te fera le gros dos.
Moi, j'aurai ensanglanté
Ce qui me reste de cœur,
Pour éteindre la solitude
De tes lèvres rouges...
Tu verras, telle une sultane,
Ramper autour de tes hanches
L'essaim des amours muettes,
Et ta main toujours froissera
La soie riche de quelque nouveau jouet.
Tu marcheras même sur le sang
De mes chimères sans firmament.
Mais au moins que je boive en tes lèvres
Un secret d'éternelle passion !
Alors, ma toute belle,
Je dévorerai ton âme
De sanglots sans fin...
In Soliloques, Ancienne Imprimerie Thomas, Bône (Algérie), 1946 ; éd. Bouchène, Alger, 1991 ; éd. La Découverte, Paris, 1991.
Yacine Kateb, né à Constantine en 1929, devient Kateb Yacine, signe en 1956 Nedjma, "sans conteste le texte fondamental de la littérature algérienne de langue française" (Tahar Djaout). Il sera aussi journaliste à Alger Républicain et l’auteur d’un théâtre populaire écrit principalement en algérien dialectal, sans abandonner le français, qu’il considérait comme un « butin de guerre ». Il meurt en 1989, emporté par une leucémie.
À (après-)demain
Jacques Fournier
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire