R pour RIFFAUD Madeleine
Bonjour
La liberté c’est ce cours d’eau
Qui vient passer sur ta maison.
Tous les gens de la rue y puisent à pleins seaux
Les filles fatiguées y viennent se baigner
Le soir, quand la sirène ouvre les ateliers.
Et l’on y lave, aussi, les vestes de travail.
Je te regarde face à face
Et je vois l’eau du fleuve
Aux hublots de tes yeux.
Tu t’en vas sur le fleuve,
Avec le fleuve, vers la mer.
Je viens, nous venons tous, nous nageons près de toi,
Écume du sillage ou feuilles emportées,
Frôlés de poissons d’or, survolés d’éperviers.
C’est un fleuve sans rive et notre foule s’y perdra,
Se fondra, fraternelle, à celle de partout.
Demain, ceux qui vivront trouveront naturel
D’être au large, au soleil, sur la mer Liberté.
in Cheval rouge, anthologie poétique 1939 à 1972, Editeurs français réunis, 1973
Ce poème, Madeleine Riffaud l’a dédié à Paul Éluard qui rencontre le 11 novembre 1944 cette jeune fille de 20 ans qu’on lui présente comme celle « qui a abattu un gradé allemand ». Cela s’était passé quelques mois plus tôt, le 23 juillet, sur le Pont de Solferino, à Paris. Arrêtée, torturée, condamnée à mort, Madeleine Riffaud se retrouve dans un train pour Ravensbrück, s’en échappe. Reprise, elle fait partie des quelque 3200 prisonniers politiques placés sous la protection du consulat de Suède et de la Croix rouge, grâce à l’intervention du consul Raoul Nordling. Libérée le 18 août, elle reprend le combat dans la Résistance jusque la Libération de Paris. L’armée régulière continue le combat sans elle, parce que femme et mineure (« Je suis tombée dans la légalité comme on plonge les fesses dans un seau d’eau froide », dit-elle dans le film de Jorge Amat Vingt ans en août 1944). En 1945, Paul Eluard publie son premier recueil de poèmes : Le Poing levé. Elle travaille au journal Ce Soir, dirigé par Aragon, puis à La Vie ouvrière, journal de la C.G.T. pour lequel elle devient grand reporter et se rend dans la toute nouvelle République démocratique du Vietnam (Nord Vietnam), créée à l’issue de la guerre d’Indochine. Pour L’Humanité, elle couvre la guerre d’Algérie, dénonce la torture, échappe en 1956 à un attentat organisé par l’OAS. Elle couvre ensuite pendant sept ans la Guerre du Vietnam.
L’écriture est toujours présente : essais et reportages (sur ses « trois guerres » et Les Linges de la nuit, 1974, expérience d’une immersion volontaire dans le monde médical), contes pour enfants et poèmes (Cheval rouge, anthologie poétique, réunit ses poèmes de 1939 à 1972, Editeurs français réunis, 1973, jamais réédité).
« Écrire un poème, c’est faire acte d’individualité et de liberté. »
À (après-)demain
Jacques Fournier
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