mardi 2 juin 2020

POÈME EN GUISE DE COMPTE À REBOURS #16

P pour PETIT Pascale

 

Bonjour

Dans la suite de Queneau, cofondateur de l’OuLiPo, une poète (avant tout poète) qui se défend d’être oulipienne mais en est proche en de nombreux points (Made in Oulipo ; Histoir d’ouf, ...). Mais pas que. Une écriture qui se joue de l’attendu, qui sautille - joyeusement ou sérieusement - d’un genre à l’autre, qu’elle publie pour la jeunesse (à L’Ecole des Loisirs, au Rouergue ou un Petit VA ! pour Le Centre de Création pour l’Enfance de Tinqueux) ou non (aux éditions de l’Attente, Seuil ou L’Inventaire), qu’elle écrive de la prose (Les Côtés cachés), du théâtre (Tom premier et Tom II ; I love you my biniou ; Mr Jones) ou « autre chose » (Tu es un bombardier en piqué surdoué ; Sharawadji, manuel du jardinier platonique). Parce que, chez Pascale Petit, « la poésie peut déborder le poème en se frayant un passage émancipé, entre mode d'emploi et caisse à outils », dixit Véronique Pittolo, sur le site Poezibao à propos de Le parfum du jour est fraise, l’Attente, 2015.

 

4.

 Il y en a toujours un pour penser qu’il va réussir à lui tout seul ce que plusieurs n’ont jamais réussi à faire ensemble.

Qu’il soit seul ne change pas grand-chose, sa façon de procéder ne diffère en rien. Il va seulement plus lentement : il va en chercher une (il la regarde comme si elle n’était rien pour pouvoir l’emporter), il l’emmène sur son dos, la dépose près de la malle, lui met les bras le long du corps ou les mains croisées sur le ventre et enfin la dépose dans la malle en chien de fusil ou corps par-dessus tête.

 

Elle est touchée qu’il veuille faire seul ce que plusieurs n’ont jamais réussi à faire. Elle veut lui donner des idées mais il ne veut pas l’écouter, il préfère essayer toutes les possibilités qu’il connaît lui-même. Il ne lui dit pas « tu », il dit « elle » : « Elle va tout faire rater ». C’est vrai qu’elle saute dans ses bras ou se jette à son cou sans raison.

En tout cas, il se passe toujours la même chose : la malle ne se ferme jamais tout à fait.

Et il a beau ensuite essayer de trouver de nouvelles solutions. Il arrive qu’il lui fasse très mal en voulant absolument arriver à fermer la malle.

Il la secoue et la caresse un peu. Il s’en va et revient : quand il la regarde et la touche, il est visiblement déçu.

Elle accepte tout de lui, elle fait comme si de rien n’était, mais elle espère qu’il n’y en aura pas d’autres comme lui, elle préfère qu’ils viennent à plusieurs, ils lui font moins mal.

Quand il essaie de s’asseoir sur la malle, elle pousse un peu avec la tête en souriant quand même. Elle imagine que peut-être c’est celui qui sautillait derrière les autres pour dire son idée.

Finalement, quand il a vraiment tout essayé, il la prend brutalement et la serre dans ses bras, longtemps – de plus en plus calmement. Au début, quand il fait ça, il ne sait pas très bien encore ce qu’il veut faire.

Puis, il la plie délicatement, bord sur bord. Et il l’aplatit bien en lisant les côtés.

 

Puis il replie les coins vers l’intérieur.

 

Puis, il l’enfouit dans sa main.

 

in Les Côtés cachés, Action poétique éd., coll. BIPVAL, 2011

 

À (après-)demain

Jacques Fournier

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire