samedi 20 juin 2020

POÈME EN GUISE DE COMPTE À REBOURS #02

B pour BER Claude

Bonjour

De La Mort n’est jamais comme (2004) à Il y a des choses que non (2017) en passant par Epître Langue Louve (2015) ou Titan Bonzaï et l’extrêmophile de la langue (2017), lire Claude Ber c’est entrer nu dans un fleuve de mots et se laisser entraîner jusqu’au delta, là où s’ouvre le paysage plus large d’une mer étale ou tumultueuse, selon ce qu’elle vient de nous dire.

Dites le poème à voix haute et laissez-vous porter par le courant.

 

Découpe 40

 

La bousculade des passants sous l’averse. L’eau qui s’effrite sur les carreaux de lunettes. La rue ondulant à leur loupe dans le frottis liquide des enseignes. Les visages se couvrent d’un pelage de pluie. Je m’épile à petits tapotements de l’index. Sous le velu des gouttes, des écailles. Au fond du cortex, des restes d’élytres et de mues. À mes pieds trempés, la rigole est un ruisseau. Je sais que ce n’est pas. Ils savent que c’est. D’une certitude d’épiderme pincé dans un froid de névé. Cette division aux fourches des dendrites : scissiparité de paramécie. Un souvenir cellulaire de multiples moi. Ce fut. Dans un temps archaïque et retranché. J’ai les chevilles au cœur. Un ébouriffement inconnu de poils dressés. Un sursaut animal au sourire qui découvre les crocs. À peine disent les lèvres passant la langue sur les babines. Et c’est, dans l’air soudain durci comme une dalle, un recroquevillement de fossile pris dans le cabochon des vitrines où le jaune des lampes cristallise en crapaud.

 

in La Mort n’est jamais comme, Via Valerino-Léo Scheer, 2004, Prix international de poésie francophone Yvan-Goll 2004 ; rééd. L’Amandier, 2013 ; Bruno Doucey, 2019

 

À bientôt

Jacques Fournier

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