(envoi de Jacques Fournier)
Le carré blanc
de Mérédith Le Dez fait bien entendu penser à celui qui peignit Kasimir
Malevitch en 1918 et qui révolutionna l’art moderne. Salut amical à
Julien Blaine qui m'a envoyé une reproduction de l’œuvre, visible au
MoMa de New York.
Le
blanc renvoie aussi, non à son contraire, mais à son complémentaire :
le noir. Alors, léger saut dans le temps, alors que depuis le premier Poème pour tenir le coup je vous propose des poètes contemporain.es. Mais il est des oeuvres intemporelles. Celle de LÉON GONTRAN DAMAS est de celles-là.
Né
en 1912 en Guyane, décédé en 1978, poète, journaliste, député, il est
le moins connu des mousquetaires de la Négritude, mais certainement le
plus accessible, par sa langue directe, sans concessions, faussement
simple (dans les années 30, Le Mercure de France lui reproche d'être un "Noir cultivé qui écrit en petit nègre, aussi bien que quelques Blancs").
Riche de ses origines amérindiennes, européennes et africaines, il peut écrire : « Trois fleuves coulent dans mes veines » (Black-Label, Gallimard, 1956).
Blanchi est un des poèmes essentiels de Pigments, son premier recueil, préfacé par son ami Robert Desnos, et œuvre-phare du mouvement de la Négritude.
BLANCHI
Pour Christiane et Aliouane Diop*
Se peut-il donc qu’ils osent
me traiter de blanchi
alors que tout en moi
aspire à n’être que nègre
autant que mon Afrique
qu’ils ont cambriolée
Blanchi
Abominable injure
qu’ils me paieront fort cher
quand mon Afrique
qu’ils ont cambriolée
voudra la paix la paix rien que
la paix
Blanchi
Ma haine grossit en marge
de leur scélératesse
en marge
des coups de fusil
en marge
des coups de roulis
des négriers
des cargaisons fétides de l’esclavage cruel
Blanchi
Ma haine grossit en marge
de la culture
en marge
des théories
en marge des bavardages
dont on a cru devoir me bourrer au berceau
alors que tout aspire en moi à n’être que nègre
autant que mon Afrique qu’ils ont cambriolée
In Pigments, éd. Guy Levis Mano, 1937 ; éd. Présence africaine, 1972
* Aliouane Diop (1910-1980) sera, en 1947, le fondateur de la revue Présence africaine, et en 1949, des éditions du même nom.
JACQUES FOURNIER
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